Actions citoyennes et solidaires

Violences au sein du couple : voisins et voisines, tous concernés ! (Partie 3)

(Photo : Priscilla Du Preez)

Se retrouver en situation d'urgence : comment réagir en tant que voisin, en tant que témoin ? Quels réflexes sont recommandés en tant que victime ? Quels mots employer, à quoi faire attention ?

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes ce 8 mars, nous avons voulu en savoir plus sur le rôle que peut jouer le voisinage dans le cas des violences au sein du couple. Un sujet sensible qui peut nous concerner en tant que voisins et voisines.

Dans les trois articles suivants, vous en apprendrez plus sur : 

  • L’état des violences au sein du couple aujourd’hui en France. (Partie 1) 
  • Comment les repérer, y répondre et agir dans nos relations de voisinage ? (Partie 2) 
  • Dans une situation d’urgence : vos possibilités d’action en tant que témoin et en tant que victime. (Partie 3) 

Afin de vous livrer les clés pour comprendre et les bons comportements à adopter, ces articles ont été construits en collaboration avec trois expertes : 

- Lya Auslander, Docteure en psychologie ; enseignante-chercheuse à l’Université de Paris-Nanterre ; conférencière Experte Violences faites aux femmes et aux enfants ; présidente de l’association Parents de Champions.

- Célia Manetti, chargée de mission, assistante de direction de l’association ECVF, Élu.e.s contre les violences faites aux femmes ; stagiaire collaboratrice au cabinet d’Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, de la lutte contre les discriminations et des droits humains.

- Lauriane Porier, assistante de projets à la Mission Interministérielle pour la protection des femmes contre les violences ; chargée des relations entreprises et de logistique à la Fondation des Femmes, formatrice consultante au Groupe Egae. 

1) Violences au sein du couple et voisinage : mieux comprendre pour mieux agir !

2) Comment repérer les violences et agir en tant que voisins ? 

3) En situation d’urgence : ce qu’il faut faire en tant que témoin, ce qu’on peut faire en tant que victime. 

Vous êtes témoin d’une situation de danger immédiat 

🚨 La première étape si une personne frappe à votre porte en vous demandant de l’aide est d’accueillir la personne, puis de sécuriser votre appartement (vous enfermer à clef, tirer le verrou) de manière à vous protéger du danger que représente le conjoint.

👮‍♀️ Si la victime est blessée, appelez en priorité les pompiers, puis la police. 

 📞 S’il y a présence des enfants, il est impératif d’appeler le 119. Vous devez passer cet appel, vous et non pas la maman.    

Lya Auslander rappelle en effet que cet appel au 119 doit être fait par quelqu’un d’autre que la maman, ou par quelqu’un d’autre en plus de la maman. « Le risque existe encore trop souvent en France que les services sociaux méprennent les violences pour un « conflit parental » et continuent d’exposer l’enfant au parent violent en accusant la mère de « fausses allégations ». Ce comportement participe à l’occultation des violences et facilite l’impunité des agresseurs ». (1)    

En tant que témoin, la première chose à dire à une personne qui vient vous demander de l’aide est  

« Je vous crois. Je vais vous aider ». 

  • Lorsque vous appelez les numéros d’urgence, police (17) ou pompiers (18), il faut :

- rester lucide et ne pas céder à la panique

- leur donner en premier les informations sur l’accès aux lieux (ville, rue, numéro de rue, code de l’immeuble, étage, numéro d’appartement)

- leur donner votre numéro de téléphone au cas où la connexion serait coupée

- donner la situation en utilisant cette phrase « Je suis avec une personne en danger. J’ai besoin que vous veniez vite »

- garder votre interlocuteur en ligne le temps que les professionnels arrivent.

Le professionnel en ligne vous donnera les indications nécessaires sur la marche à suivre pour sécuriser la victime et vous sécuriser vous-même. 

  • Contacter vos proches ensuite :

- si une personne doit revenir à votre domicile (par exemple : votre compagne est partie chercher du pain et doit revenir dans cinq minutes) pensez à la prévenir de la situation pour ne pas qu’elle se retrouve pas surprise face à l’auteur des violences. 

- vous pouvez appeler des amis, de la famille, afin de ne pas rester seul face à cette situation. La plupart du temps, les auteurs de violences ne sont pas courageux et oseront moins s’attaquer à leur victime et à vous si vous êtes entouré par d’autres personnes. Ce dernier point est à prendre avec précaution, il ne s’agit pas non plus de mettre d’autres personnes en danger, faites confiance à votre évaluation de la situation pour appeler ou non d’autres personnes. 

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Vous êtes victime de violences au sein de votre couple  

  • En amont de la situation de danger immédiat :

Si vous avez des enfants, dans la mesure du possible, il est important de ne pas les laisser seuls avec l’auteur des violences. L’agresseur peut se servir d’eux comme une arme, que ce soit par le chantage psychologique, les menaces de représailles sur eux, le poids légal.

Faites appeler ou appelez avec quelqu’un le numéro 119, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger qui sauront vous guider au mieux pour protéger vos enfants.

Si vous êtes victime de violences au sein du couple, vous avez le droit d’être aidée. Vous pouvez vous tourner pour demander de l’aide auprès de professionnels tels que :

- la police ou gendarmerie

- le corps médical

- les assistants sociaux

- les associations d’aide aux victimes (Elles imaginent, antenne locale CIDFF…)

- un avocat

Si vous ne pouvez/souhaitez pas vous tourner directement vers des professionnels, ne restez pas seule. Vous pouvez en parler à quelqu’un de confiance si vous ressentez de la peur au sein de votre couple. Dans une relation intime et familiale, cette sensation de peur n’est pas normale. Cette personne de confiance pourra vous écouter et vous aider à vous orienter vers des personnes compétentes pour vous soutenir.

  • Comment alerter vos voisins sur votre situation ?

- Si vous êtes en capacité de demander de l’aide, vous pouvez l’aborder de manière directe avec une personne de confiance de votre entourage, votre famille, vos amis, vos voisins. 

- Si vos communications sont surveillées par votre conjoint violent, il existe différentes manières de prévenir votre entourage. Une victime de violences conjugales a eu l’idée de promouvoir une campagne de communication en 2015 pouvant aider les victimes à demander discrètement de l’aide. Elle a eu l’idée de dessiner un point noir au feutre de maquillage (pour pouvoir l’effacer rapidement) au creux de sa main afin d’envoyer un signal indiquant qu’elle était victime de violences, qu’elle avait besoin d’aide mais ne pouvait pas parler. Ce signal de détresse a bénéficié d’une couverture médiatique assez importante, il est donc fort probable que si vous utilisez ce signal, un voisin ou une voisine saura le reconnaître.

Il est également possible d’alerter vos voisins par écrit, c’est par exemple le cas d’une victime de violences conjugales qui a, en 2019, lancé un message par sa fenêtre dans la cour de l’immeuble pour alerter ses voisins de la situation.

  • Pendant la situation de danger immédiat :

Si vous êtes dans une situation de danger immédiat, et s’il vous est possible de demander de l’aide à ce moment-là, vous pouvez trouver ici quelques conseils. 

  • Dans la mesure du possible, ne laissez pas vos enfants avec le parent violent afin que celui-ci ne puisse pas les utiliser comme moyen de pression et de représailles sur vous. Si vos enfants sont présents lors d’un épisode de violence, une fois que vous êtes sécurisée il est nécessaire de faire appeler ou d’appeler avec quelqu’un le 119 afin qu’ils puissent vous aider au mieux, vous et vos enfants et que cette violence conjugale ne soit pas confondue avec un conflit conjugal par les services sociaux.

  • Pour alerter vos voisins, il est important d’individualiser les gens à qui vous demandez du secours. Si vous connaissez le nom de famille ou le prénom de vos voisins, utilisez-les en appelant à l’aide. En individualisant la personne, cela permet au voisin ou la voisine en question de savoir que c’est à lui que s’adresse l’appel (évitant la diffusion de responsabilité trop souvent constatée quand plusieurs personnes peuvent intervenir et que personne ne le fait : ce qu’on appelle l’« effet spectateur »).

  • Lauriane Porier et Célia Manetti rappellent que crier

    « au feu ! » plutôt que « au secours ! »

    peut également être efficace dans la mesure où les individus se déplacent davantage à cet appel.

  • Si vous avez accès à un téléphone :

    Si vous êtes blessée, appelez en priorité le 18 : pompiers ou le 15 : SAMU

    Appelez le 17 : Police. Pour faire en sorte que la police vienne le plus vite possible, le choix des mots est important, une phrase efficace peut être : « je suis en danger il va me tuer, venez vite ».

  • Lorsque vous êtes sécurisée vous pouvez également appeler :

    - le 3919 : Violences Femmes Infos

    - le 0 800 05 95 95 : si vous avez été victime de violences sexuelles, il s’agit du numéro du collectif féministe contre le viol.

    - votre antenne locale CIDFF

    - En avant toute(s) : a la particularité d'être un tchat sur internet et non une ligne téléphonique.

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Vers qui vous tourner ? 

  • Si vous êtes témoins :

Si vous êtes témoin de violences au sein du couple subies par votre voisine, un soutien psychologique même court (1-2 séances suffisent le plus souvent) est très bénéfique pour prévenir le risque de traumatisme (qui n’est pas nécessairement immédiat mais qu’il faut prévenir). Ce traumatisme peut survenir dans les semaines ou mois suivants la scène de violence, c’est pourquoi il est important de prendre rendez-vous pour un soutien psychologique adapté le plus rapidement possible. Le mieux est de voir des personnes spécialisés dans les chocs traumatiques juste après l’événement. Cela permet non seulement de guérir les blessures mais de faire de ce traumatisme une force (connaître sa capacité à réagir en situation, prendre conscience de la force en soi, renforcer son estime de soi). Pour aller plus loin et apporter votre soutien aux victimes, vous pouvez faire un don aux associations de lutte contre les violences conjugales. 

  • Si vous êtes victime :

Il n’existe pas de règles, sachez simplement que vous avez le DROIT d’être aidée, le coupable est l’auteur des violences, vous n’y êtes pour rien, il n’a pas le droit d’être violent avec vous, la loi lui interdit. 

Vous pouvez vous tourner vers les services de police et de gendarmerie, un procureur, des associations spécialisées, le corps médical, les assistants sociaux, un avocat. 

Ne restez pas seule face à cette situation, parlez-en à une personne de confiance ou à des professionnels. 

Voilà ce que vous pouvez faire, sans obligation. Police, gendarmerie ou procureur, associations, corps médical, assistants sociaux, avocat, sauront vous aider. 

Le gouvernement met également à disposition une plateforme d’informations qui peuvent vous donner des clefs pour vous aider à sortir de cette situation :


https://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/a-qui-m-adresser.html


https://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/-les-associations-pres-de-chez-vous-.html

Des associations et lignes d’écoute peuvent vous apporter une aide adaptée :

- le 3919, Violences Femmes Infos

- 0 800 05 95 95 Collectif Féministe Contre le Viol

- Votre antenne locale Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles

- CFCV – Collectif féministe contre le viol
www.cfcv.asso.fr

- FNSF – Fédération nationale solidarité femmes
www.solidaritefemmes.asso.fr

- CNIDFF - Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles
www.infofemmes.com

- MFPF - Mouvement français pour le planning familial
www.planning-familial.org

- Femmes solidaires
www.femmes-solidaires.org

- FDFA – Femmes pour le dire Femmes pour agir
http://fdfa.fr/

- La Fondation des femmes
https://fondationdesfemmes.org/

- En avant toute(s) : est un tchat sur internet et non une ligne téléphonique
https://enavanttoutes.fr/

Lorsque vous êtes sécurisée, il est essentiel dans un second temps de demander de l’aide pour vous reconstruire. Vous et vos enfants, si vous en avez, pouvez être suivis en psychotraumatologie de manière adaptée. Cela suppose d’éloigner l’auteur des violences pour vous protéger et protéger vos enfants. Vous pouvez demander auprès des autorités compétentes une ordonnance de protection ainsi que des visites médiatisées pour encadrer son droit de visite auprès des enfants dès que des violences psychologiques ont été dénoncées. 

La Dr. Muriel Salmona, psychiatre et victimologue souligne 

« l’impact psychotraumatique dévastateur des violences conjugales sur les victimes, sur leur santé, qu’elle soit mentale ou physique, et sur leurs comportements ».

 Il est important d’être suivie par des professionnels spécialisés dans la reconstruction de votre mémoire traumatique. Il est également important que vos enfants soient suivis afin d’éviter qu’ils deviennent à leur tour victime ou auteur de violences. 

Les violences au sein du couple sont une question majeure de sécurité, de santé publique, et de vie familiale. Autant pour la société contemporaine que pour son avenir.

Lya Auslander

Voisins et voisines, nous avons toutes et tous la possibilité d’aider les victimes de violences de notre entourage. Accueillir correctement la parole et réorienter vers des professionnels susceptibles d’aider au mieux la victime est déjà un grand pas dans la lutte collective contres les violences au sein du couple

Voisins et voisines, tous concernés.

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Sources & Références

(1)   Sources : sociologues experts P.-G. Prigent et G. Sueur.  

Rédaction en collaboration avec : 

Lya Auslander, Docteure en psychologie ; enseignante-chercheuse à l’Université de Paris-Nanterre ; 

Célia Manetti, assistante de direction de l’association ECVF, adjointe à la maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes.

Lauriane Porier, assistante de projets à la Mission Interministérielle pour la protection des femmes contre les violences, formatrice consultante au groupe Egae


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Louise Thomas | mesvoisins.fr

Louise a fait de la solidarité sa priorité dans la vie. Son engagement et sa diplomatie font d’elle une bonne fée qui agit pour plus d’entraide et de bienveillance dans les quartiers. Diplômée de haute école et travailleuse efficace, elle met toute son énergie au service du lien social entre voisins. Au fond, elle est convaincue que la curiosité et le rapprochement avec les autres est la solution à tout !